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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/19

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Lors aussi poli qu’un miroir ;
Lors vraiment il le fit beau voir,
Et les Dieux marins qui le virent
Là-dessus compliment lui firent ;
Et le Soleil pareillement,
Revenu depuis un moment,
Quand il vit que vent et nuage,
Et tout ce qui faisait l’orage,
S’était enfui vers l’horizon.
Tout ainsi, par comparaison,
Qu’en une populace émue,
Où l’on oit crier : Tue ! tue !
Et que les bâtons et cailloux
Volent, faisant bosses et trous ;
Si quelqu’un à la grande barbe,
Et de majestueuse garbe,
Sans craindre pierre ni bâton,
Vient haranguer comme un Caton,
Il impose aussitôt silence,
Fait cesser toute violence,
Et chacun retourne chez soi,
Disant : « C’est lui, ce n’est pas moi »,
De peur d’être mis en séquestre,
Tant l’honorable bourguemestre,
Grondant ici, caressant là,
Dans la ville met le holà,
Avec une conduite telle
Qu’on dirait que ce n’est plus elle ;
Le Roi des flots, ni plus ni moins,
Par sa diligence et ses soins,
Après avoir lavé la tête
Aux vents, auteurs de la tempête,
Rendit la mer, malgré le vent,
Aussi paisible que devant.
Cependant les soldats d’Enée,
Malgré Junon la forcenée,
S’efforçaient à force de bras,
Encore qu’ils fussent bien las,
De gagner la terre voisine,
Mal satisfaits de la marine ;