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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/215

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Dont il lava son oeil percé,
Non sans avoir les dents grincé,
Car du sel marin la morsure
Irritait bien fort sa blessure.
Après avoir longtemps lavé,
Et relavé son oeil crevé,
Il nous montra sa fesse nue,
Et fit quelque allée et venue
Dans la mer, et mêmes il vint
Auprès de nous, le quinze-vingt
La mer (telle était sa stature)
Ne lui venait qu’à la ceinture.
Nous pensâmes devenir fous,
Quand nous vîmes auprès de nous
Le plus puissant paillard du monde
Se promenant ainsi dans l’onde.
Quelques-uns, au lieu de tirer
Leur ancre, afin de démarrer,
Ne firent qu’en couper la corde,
Criant bien fort : Miséricorde !
Le vilain, qui les entendit,
Et qui la chair fraîche sentit,
Tourna vers eux son grand visage,
Et, s’il eût cru lors son courage,
L’animal s’en venait à nous,
Et nous étions fricassés tous :
Mais nous eûmes pour gardienne
La bonne mer Ionienne.
Il ne put aller plus avant,
Dont de rage presque crevant,
Ce malin fit une huée,
Dont la mer, aussi secouée
Qu’elle l’est par les Aquilons,
Se boursoufla par gros bouillons
L’Italie en fut étonnée,
Et l’Etna, par sa cheminée,
Fit sortir des gémissements,
Ou bien plutôt des hurlements,
Horrible écho de la huée
De cette personne endiablée.