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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/240

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Non plus que de leurs pauvres gens,
Et se sauvèrent diligents
Dans une profonde caverne ;
Faute d’avoir une lanterne,
Ils s’y fourrèrent à tâtons
Et s’entre-servant de bâtons.
Etant dans cette noire grotte,
Chacun avec un pied de crotte,
Ils recouvrèrent leurs esprits :
C’est ce qu’on peut avoir appris
D’une chose faite en cachette ;
Outre que ma plume est discrète,
Virgile, qui n’est pas un fat,
Sur un endroit si délicat
A passé vite sans décrire
Chose où l’on pût trouver à dire ;
C’est pourquoi je n’en dirai rien,
Mais je crois que tout alla bien.
Aeneas, comme un homme sage,
N’en a jamais dit davantage,
Et Didon n’a jamais rien dit
De ce qu’en la grotte elle fit.
Sachez seulement qu’ils s’y tinrent
Assez longtemps, et que survinrent
Tandis qu’ils furent là-dedans,
De très funestes accidents.
On dit que Junon la nocière,
Et dame Tellus nourricière,
S’entre-donnèrent le signal ;
Si c’est pour bien, si c’est pour mal,
Encore un coup, je m’en veux taire.
Le ciel, complice de l’affaire,
Soit qu’il en fût d’avis ou non,
Tira force coups de canon.
Les nymphes des lieux en hurlèrent,
Et leurs têtes déchevelèrent ;
C’est pourquoi le monde a pensé
Qu’il s’était sans doute passé,
Entre Didon et maître Enée,
Une manière d’hyménée,