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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/267

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Il me semble que je les vois
Conduisant leur petit convoi :
Le chemin de fourmis fourmille,
Sur leur dos noir le grain blanc brille ;
On dirait des grains cheminant,
Tant les allants que les venants
N’occupent qu’une étroite voie,
Où l’on traîne, porte, ou charroie.
Les uns, en guise de sergents,
Font marcher les moins diligents,
Les plus forts les faibles soutiennent,
Les uns vont, et les autres viennent,
Enfin tous travaillent fort bien,
En fourmis d’honneur et de bien.
Les nobles Troyens, tout de même,
Par une diligence extrême
Equipent leurs nefs dans le port,
Dont Didon se réjouit fort.
Quelle fut alors ta pensée,
Ah ! pauvre Didon insensée ?
Dis-nous un peu combien de fois
Tu joignis à ta faible voix,
Qui faisait alors mille plaintes,
De tes dix ongles les atteintes,
Et te fis des incisions,
Sans parler des contusions !
Lorsque tu vis sur ton rivage,
Qu’on jouait à remu-ménage,
Quelle fut ton affliction,
Et jusqu’ou fut ta passion !
Que des matelos les huées,
Le grand bruit des nefs remuées,
Et tout le rivage en rumeur,
Te mirent en mauvaise humeur !
Elle pleure, et ses ongles ronge,
Tandis qu’elle consulte, et songe,
Si devant ce Catilina
Elle ira faire O benigna
Afin qu’en ce pressant affaire,
Reproche on ne lui puisse faire