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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/271

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Mais il obéissait aux Dieux,
Et le destin capricieux
L’avait rendu d’homme traitable
Homme de cœur impénétrable.
Ainsi Borée, un maître vent,
D’entre les Alpes se levant,
Montagnes de neige couvertes,
Vient sur un chêne aux feuilles vertes
De toute sa force donner
Afin de le déraciner ;
Cet antique voisin des nues,
Pour du gui, des feuilles menues,
Et quelque chose d’ébranché,
En est quitte à fort bon marché :
Si sa tête est des cieux voisine,
Ses pieds, qu’on nomme sa racine,
Sont proches du pays d’Enfer,
Si bien qu’il a beau s’ébouffer
En soufflant, le bon vent Borée ;
Ainsi cette reine éplorée,
Par ses larmes et par ses cris,
Ses messages et ses écrits,
Ne peut fondre ce cœur de glace :
Il persiste, quoi qu’elle fasse,
Et n’en est pas plus ébranlé
Que cet arbre dont j’ai parlé.
Quelque larme à la dérobée,
Sans son consentement tombée,
Peut sa face humidifier ;
Mais il ne s’y faut pas fier :
Ce sont larmes de crocodile,
Quoi qu’en dise messer Virgile.
Revenons à dame Didon,
A qui le méchant Cupidon,
S’il faut que le Troyen s’éloigne,
Va bien tailler de la besogne.
Sa sœur ayant fait son rapport,
Elle s’effraya de son sort.
Le désespoir saisit son âme,
Et prit la place de sa flamme ;