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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/272

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Sa flamme se change en fureur,
Ce qu’elle aima lui fait horreur.
Elle s’abandonne à la rage ;
Le jour même lui fait ombrage,
Elle le hait, elle le fuit,
Souhaite une éternelle nuit
Pour ne pas se voir elle-même.
La mort, par son visage blême,
Ne lui fait point blêmir le sien.
Son plus agréable entretien
Ne sont que rages, que furies,
Que fantômes, que rêveries.
Dans l’horreur qu’elle a de son sort,
Elle ne songe qu’à la mort.
Souvent quelque horrible présage
A ce cruel dessein l’engage :
Un jour, tâtant d’un vin nouveau,
Ce vin se convertit en eau ;
Sa tasse, qu’elle avait rincée,
Fut d’elle en colère cassée,
Car tant plus elle la lavait,
Tant plus sale elle la trouvait.
Un jour, pissant, la pauvre Elise,
Elle pissa dans sa chemise.
Buvant dans un vase émaillé,
Son vin devint du sang caillé,
Elle s’en rougit la mâchoire,
Et ne put achever de boire.
Un jour qu’elle sacrifiait
Comme le grand prêtre priait,
Le bouc égorgé se réveille,
Et mordit le prêtre à l’oreille,
Dont il s’écria tout fâché
(On doute si ce fut péché,
Car on tient que la destinée
Avait telle chose ordonnée),
Il s’écria donc, reniant,
Et son oreille maniant :
"Foin du bouc, du vœu salutaire,
De la putain qui le fait faire