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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/293

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Par quelques Dieux à moi fâchés,
N’eût tous mes beaux exploits tachés."
Après ce langage farouche
Elle baisa deux fois la couche,
Couche où la dame se perdit,
Comme je vous ai déjà dit ;
Et puis après, toute changée :
"Mourons, et sans être vengée,
Dit-elle. C’est là le destin.
Que doit avoir une putain ;
Et qu’Aeneas, voyant reluire
La flamme qui me va détruire,
Ait le cerveau tout étonné
De ce présage infortuné ! "
Ayant parlé de cette sorte,
On la vit tomber demi-morte,
Sans dire un seul mot d’In manus.
Un glaive entre ses tétons nus
Avait fait un large passage
Par où cette dame peu sage
Répandit de bon sang humain
Par terre, non pas plein la main,
Mais plein une bonne écuellée ;
Et son âme, parmi mêlée,
S’en alla je ne sais pas où.
Après ce bel acte de fou
(Tout beau, je veux dire de folle),
Chaque valet joua son rôle,
Chacun ses cheveux arracha,
Par grimace ou non se fâcha.
Des femmes les cris et huées
Pénétrèrent jusqu’aux nuées.
On n’entendait que hurlements ;
Les poings les visages gourmant.
Faisaient un tintamarre étrange ;
Là quelqu’un les deux mains se mange,
Là, l’autre pèle son menton,
Et l’autre de coups de bâton
Se meurtrit le dos à soi-même ;
Bref, le désordre est tout de même