Aller au contenu

Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/320

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Mnestheus attrapa Gyas,
Et lui dit "Qu’est-ce que tu as,
Et qu’as-tu fait de ton pilote ?
Faut-il qu’un homme ainsi sanglote ? "
A cela point ne repartit
Gyas, qui de rage glatit
Dans sa nef qui nage sans guide,
Et ressemble un cheval sans bride.
Puis de Cloanthe il approcha,
Ce qui grandement le fâcha,
Vogua quelque temps à sa croupe,
De sa proue égala sa poupe,
Puis après en tout l’égala,
Et lors le diable s’en mêla.
Chacun lors à son adversaire
Fit un souhait peu débonnaire.
Le misérable Cloantus,
De victor devenu victus,
Ne pouvait prendre patience ;
L’autre, plus d’heur que de science,
L’avait à la fin attrapé :
Renfrogné comme un constipé,
Il dit à ses gens force injures,
En une autre saison, bien dures ;
Mais d’un homme d’ire embrasé
Tout fut aisément excusé.
L’espérance ressuscitée
Du pauvre diable de Mnesthée
Emporta de tous la faveur :
On fit sur lui grande clameur
Afin de lui donner courage.
Messire Cloantus enrage
De cet imprévu prétendant,
Et vers la mer les bras tendant,
Il fit, si j’ai bonne mémoire,
Cette oraison jaculatoire :
"Bons Dieux, qui dans la mer logez,
Souvent les vaisseaux soulagez,
Quand ils sont trop chargés de hardes ;
Qui portant écailles pour bardes,