Aller au contenu

Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/441

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

A venir là troubler la fête.
Tout est civil, tout est honnête
En ce séjour des bienheureux :
S’il s’y rencontrait des fâcheux
Qui troublassent leur bande gaie,
On les paraferait de craie,
Ou comme des pestiférés
Seraient des autres séparés,
Et tôt après mis à la porte,
Où le portier ferait en sorte,
Les renvoyant bien bâtonnés,
Qu’ils n’y mettraient jamais leurs nez.
C’est un vrai pays de Cocaigne :
Dans du vin muscat on s’y baigne,
Et tout le monde y sait nager
Sur le dos, le ventre, et plonger.
On y contente son envie
Selon ce qu’on fut en sa vie ;
Le jeu seul est là défendu,
Car qui voudrait avoir perdu ?
Qui se plut à lutter y lutte,
Qui fut contestant y dispute ;
Un mangeur y mange son soûl,
Un buveur y boit comme un trou,
Un chasseur chasse, et rien ne manque,
Y tire qui veut à la blanque,
Et rencontre dans son billet
Quelque bijou qui n’est pas laid.
Enfin on danse, on rit, on raille,
On se repose, on fait gogaille,
On s’exerce à la course, au saut,
On lit des nouvelles d’en haut ;
Qui veut y ballotte à la paume,
Et même en ce plaisant royaume
Ils ont une lune, un soleil,
Ou quelque chose de pareil.
Le révérend signor Orphée,
La tête de laurier coiffée,
Y chante sur son guitaron
Des airs du renommé Guedron.