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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/51

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Si le jour qu’au temple elle alla,
Rien de charmant comme cela
A jamais paru dans l’Afrique.
Enée en est tout extatique,
Achates si fort ébloui
Qu’il ne faisait que dire : Oui,
Que bégayer et que sourire
A tout ce qu’on lui pouvait dire.
Aeneas s’en fût bien moqué ;
Mais il n’était pas moins piqué.
N’avez-vous point vu sur le fleuve
Qui le pays de Sparte abreuve,
Une nymphe qui va chassant
Ou Diane, lorsque dansant
Au milieu des hamadryades,
Des napées, des oréades,
Elle les passe, ou peu s’en faut,
Toutes de la ceinture en haut ?
Sa trousse lui pend sur l’échine ;
Enfin, elle a si bonne mine,
Et paraît avec tant d’éclat,
Que, la voyant en cet état,
Sa sotte mère de Latone
Ne fait rencontre de personne,
Qui ne s’en éloigne au galop,
A cause qu’elle parle trop
Des vertus dont sa fille abonde
Et qu’elle en accable le monde ;
Telle, et plus admirable encor
Dans son cotillon de drap d’or,
Et sa fraise goderonnée,
Parut Didon à notre Enée :
O Dieu qu’il la faisait beau voir !
Qu’elle faisait bien son devoir
De donner à chacun courage
De travailler après Carthage !
Sous un grand dôme lambrissé,
Dans un grand fauteuil tapissé,
S’étant mise bien à son aise,
On cria trois fois : « Qu’on se taise ! »