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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/92

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 nous dit. "Les Grecs confondus,
Ou, si vous voulez, morfondus
Devant vos vaillantes murailles,
N’avaient plus que des cœurs d’ouailles
Au lieu de leurs cœurs de lions.
Eux qui, de plusieurs Iliums
Eussent cru la conquête aisée,
Voyaient leur puissance épuisée
Devant une seule Ilium.
D’infortunes un million,
Peste, famine, et tant de pertes
A souffrir, outre les souffertes
Par les soldats de Priamus,
Les rendaient certes bien camus.
Les soldats et les capitaines
Tournaient la tête vers Mycènes,
Soupiraient après le retour
Qu’ils espéraient de jour en jour.
Les chefs, sans crédit ni puissance,
Les soldats, sans obéissance,
Les uns et les autres tout nus,
Mal payés et mal reconnus,
Emplissaient le camp de murmures,
Au général disaient injures ;
Le moindre petit froid-au-cul
Maudissait cent fois le cocu,
Comme aussi sa putain de femme,
Qui causait cette guerre infâme.
Si l’on leur en disait un mot,
Ils disaient : « Vous êtes un sot. »
Cent fois le camp plia bagage,
Et cent fois un cruel orage,
Qui ne promettait que la mort,
Retint les navires au port,
Entre autres, la rude tempête,
Et comme elle troubla la fête
Que l’on fit quand, après six mois,
Fut fini le cheval de bois !
Nos tentes furent renversées,
Nos nefs dans le port fracassées ;