Page:Scarron - Théâtre complet, tome 3, 1775.djvu/281

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Jupiter me voyant toujours victorieux,

En devint furieux ;

Il vint pour me heurter, moi je courus de même :

Mais pensant l'outrager, je lui fis un grand bien.

En ce temps il souffrait une douleur extrême,

Ne pouvant accoucher du divin Bromien,

Mais lui fendant la cuisse : ô l'étrange merveille !

Je le fis accoucher du Dieu de la bouteille.

La Mort ensuite vint pour m'ôter la vigueur,

Et me crever le coeur :

Mais, ventre, j'écorchai cette engeance cruelle,

J'arrachai ses poumons, ses tripes, ses boyaux,

Son diaphragme, ses nerfs, ses cheveux, sa cervelle,

Ses veines, ses sourcils, ses lèvres, ses naseaux,

Ses membranes, son fiel, sa rate, ses viscères,

Sa langue, son larynx, ses fibres, ses artères.

Ses maudits ligaments, son coeur pernicieux,

Ses oreilles, ses yeux,

Son foie et ses tendons, ses reins, ses ventricules,

Ses glandes, son nombril, ses organes vitaux,

Ses muscles, ses boudins, sa chair, ses pannicules :

Bref, je ne lui laissai parbleu que les os,

Et je la mis enfin en si pauvre posture,

Que je la fis alors comme on nous la figure.