Page:Scarron - Théâtre complet, tome 3, 1775.djvu/315

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Il est pur et divin puisqu'ils l'ont allumé.

Le voeu que l'on vous offre, est toujours légitime,

On n'a pour vos appas que des désirs sans crime,

Et mêmes les esprits esclaves de leurs sens,

Pour un si chaste objet deviennent innocents.

Prenez pitié du mal que vos yeux ont fait naître,

C'est l'augmenter beaucoup que de le méconnaître ;

Vous yeux qui m'ont donné de si doux entretiens,

Peuvent-ils ignorer le langage des miens ?

S'ils vous ont mal conté le tourment qui me touche,

Après qu'ils ont parlé, laissez parler ma bouche,

Elle va découvrir les langages d'un coeur,

Qui tout prêt de mourir adore son vainqueur.

Au temps que je vous vis une flamme cruelle,

Ne brûlait plus mon coeur, j'oubliais Isabelle.

Mon esprit dégagé d'une telle prison,

Ayant perdu l'espoir, recouvrait la raison.

Et comme un Matelot assis sur le rivage,

Je regardais la mer où j'avais fait naufrage :

Mais sitôt que vos yeux éclairèrent les miens,

Je me vis arrêté par de puissants liens.

Mon coeur en fut ému, mon âme en fut surprise,

Et tous deux à l'instant présagèrent leur prise ;

Ma liberté céda, je n'eus plus de pouvoir,

Et fus contraint d'aimer, ayant osé vous voir.

Car quelque fermeté que l'esprit se propose,

Vous voir et vous aimer n'est qu'une même chose ;

Et bien que vos rigueurs promettent le trépas,

Ceux que vous captivez, ne les redoutent pas.

On ne peut résister à l'effort de vos charmes,

La franchise contre eux n'a que de faibles armes,

Un glaçon près de vous se verrait enflammer,

Enfin vous pouvez tout, et ne pouvez aimer.