Page:Scarron - Théâtre complet, tome 3, 1775.djvu/316

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Celui dont la puissance est au-dessus du foudre,

Qui forma l'Univers et le peut mettre en poudre ;

Ce Dieu qui régit tout, et qui fait que l'aimant,

Par des secrets cachés attire son amant,

Parmi tous les trésors que sa main libérale,

Pour prouver sa grandeur incessamment étale.

Quoi que l'on veuille dire à la gloire des Cieux,

N'a rien fait voir encor de si beau que vos yeux.

Cet ordre merveilleux qu'on voit en la Nature,

Ce bel émail des champs, cette vive peinture,

La mer, les éléments, le change des saisons,

La course du Soleil par ses douze maisons,

Le tonnerre grondant qui brise tous obstacles,

Les feux du firmament, et tant d'autres miracles,

Ne prouvent pas si bien une Divinité,

Aux esprits de ce temps, comme votre beauté.

Et les plus libertins voyant votre visage,

Jugent qu'il faut un Dieu pour faire un tel ouvrage,

Mais tout cet ornement doit céder aux vertus,

Qui rendent sous vos pieds les vices abattus ;

Votre esprit adorable, à qui le sait connaître,

N'en peut trouver aucun dont il ne soit le maître ;

Et qui possède un coeur, en saurait mal user,

S'il savait le dessein de vous le refuser.

Je vous aime Livie, et mon amour extrême,

Afin de s'exprimer, a recours à vous-même.

Considérez-vous bien, et ce que vous pouvez,

Et puis juger d'un coeur quand vous les captivez ;

Je vous aime Livie, et jamais autre flamme,

Que celle de vos yeux me brûlera mon âme ;

Méprisez-moi toujours, vivez dans un orgueil,

Dont l'excès inhumain me conduise au cercueil ;

Moquez-vous en tous lieux de ma persévérance,