Page:Scarron - Théâtre complet, tome 3, 1775.djvu/317

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Perdez votre douceur, ôtez-moi l'espérance ;

Fuyez-moi, cachez-vous, augmentez mon tourment,

Et ne m'honorez pas d'un regard seulement,

Rien ne peut empêcher que mon âme asservie,

N'aime jusqu'au trépas les beautés de Livie.

Quoi qu'il puisse avenir, je la veux adorer,

Ce que ma bouche a dit, mon coeur le veut jurer ;

Et si, comme l'on dit, notre âme est immortelle,

L'oubli n'éteindra pas une flamme si belle,

La parque qui peut tout en coupant aux Enfers,

La trame de mes jours, ne rompra point mes fers.

Après ces vérités n'êtes-vous point sensible,

Trouverai-je toujours votre coeur inflexible ?

Oui, je sens que le mal dont le mien est touché,

Vous déplaît beaucoup plus que s'il était caché.

Pleurez, pleurez mes yeux, servez-vous de vos armes,

Ma bouche a mal parlé, faites parler vos larmes,

Mais, hélas ! Le discours a de faibles appas,

L'ingrate le méprise, ou bien ne l'entend pas ;

Il vous faut donc fermer, l'excès de mon martyre,

Sera cru, si la mort n'empêche de le dire ;

Ma plainte est inutile, et vos pleurs superflus,

On verra mon amour, quand vous ne verrez plus.