Page:Scarron - Théâtre complet, tome 3, 1775.djvu/321

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Peaux, nerfs, poumons, cervelles, tripe ;

Nez, langues, yeux, coeur et boyaux :

Et puis à l'instant je les grippe,

Et les croque comme noyaux.

D'un petit trait de ma vaillance,

J'ai cent fois dompté le malheur :

Mais si j'ai bien de la valeur,

J'ai bien aussi de la science.

Je parle fort élégamment

De la Terre, du Firmament,

Et des neufs filles du Parnasse,

Je suis plus sage que Solon,

Et lorsque je frotte ma face,

Je torche le nez d'Apollon.

Je suis l'effroi des redoutables,

Je ne respire que le sang,

L'honneur, les qualités, le rang,

Ne me sont point considérables.

Toujours partout la mort me suit,

Aussi tout s'esquive, et me fuit :

Rien ne m'ose faire la guerre,

Et le Ciel tout tremblant d'effroi,

Ne s'éloigne point de la terre,

Que pour la peur qu'il a de moi.

Toutes choses hideuses, hâves,

Laides, horribles, sans beautés,

Et qui n'ont que des cruautés,

Sont mes valets et mes esclaves.