Page:Scarron - Théâtre complet, tome 3, 1775.djvu/324

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Je dévore quelques courantes,

Et quinze, ou vingt bons entrechats.

Pour mes soupers je fais chercher,

La cervelle des crocodiles :

Les coeurs des plus fameuses villes,

Et les entrailles d'un rocher.

Le soir premier que fermer l'oeil,

J'avale force jeux de paume,

Puis je gruge quelque Royaume,

Pour me provoquer au sommeil.

Bref je pense qu'un jour ma faim,

Qui n'aura jamais de seconde,

Me fera manger tout le monde,

Comme un petit morceau de pain.

Dieux ! Que je suis à redouter,

Ma rage tous les jours s'empire,

À moins que de perdre un Empire,

L'on ne m'oserait irriter.

Je détruis tout des rudes traits

De mon oeillade martiale,

Et si la Lune est toujours pâle

C'est de la peur que je lui fais.

J'ai d'un seul coup d'estramaçon,

Livrant aux Enfers une guerre,