Page:Schœlcher - De l'esclavage des Noirs, 1833.djvu/13

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ménager et de soigner leurs esclaves ; mais qui acceptera une telle garantie ? — La passion méconnaît tout, même l’intérêt. — Comment un homme accoutumé à voir sa parole souveraine, son immuable volonté toujours obéie, hésiterait-il à sacrifier le noir assez téméraire pour lui résister ? qui d’entre nous dans un mouvement d’impatience n’a pas une fois brisé un objet riche et précieux dont la perte souvent était irréparable ? — Il est facile et plus lucratif d’être honnête homme que voleur, et pourtant on ne marche jamais deux heures dans la rue sans rencontrer un fripon. — Et d’ailleurs, ainsi que le fait observer Cowper-Rose, « il y a assez de place pour la cruauté, sans toucher à la vie ni aux membres. Toute organisation sociale dans laquelle on compte beaucoup sur la bonté de l’homme, est infailliblement mauvaise ; car elle est sans défense contre les entreprises des plus basses ambitions. »

Les colons, pour montrer combien les habitans ont intérêt à ménager les noirs, feignent d’ignorer que la traite se fasse encore aujourd’hui ; mais la loi rendue, il y a quatorze mois, à une si grande majorité, par nos deux Chambres, témoigne assez que l’on ne partage guère leurs doutes à cet égard ; et quand ils viennent ensuite dire qu’un nègre nouveau (c’est ainsi qu’ils appellent les noirs arrivant de la Côte) est plus de deux ans à se débar-