Page:Schœlcher - De l'esclavage des Noirs, 1833.djvu/43

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bonne foi que j’apporte dans nos débats ; car cette proposition que « l’esclave ne comprend pas la liberté » est loin d’être absolue. — On voit, en effet, tous les jours les noirs de la Guadeloupe et de la Martinique fuir à la Dominique, à Sainte-Lucie et jusqu’à d’autres îles plus éloignées, comme la Trinidad, toutes anciennes possessions françaises que les traités ont abandonnés aux Anglais. Ceux-ci, ou plutôt leur gouvernement, et il y a une immense distinction à faire à l’avantage des premiers, leur gouvernement, dis-je, toujours philanthrope à sa manière, maintient là les nègres dans la servitude ; mais il déclare libres tous ceux des colonies étrangères qui abordent chez eux. Or, il est constant que beaucoup de nos esclaves s’y réfugient, au risque de faire vingt fois naufrage avec le frêle canot qui les porte. — C’est donc qu’ils comprennent la liberté. — Il est encore constant qu’une fois arrivés, ils se louent aux planteurs, comme nos domestiques, et continuent leur ancien métier, sans être tenus de tendre le dos aux coups : — c’est donc, du moins, qu’ils n’aiment pas les coups, qu’il savent travailler, et qu’ils sentent la nécessité de suffire à leurs propres besoins ; c’est dont que la condition d’esclave, même dans les colonies françaises, n’est pas préférable à l’indépendance d’un paysan, comme on veut absolument nous le persuader.