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Un mot encore.

Les Débats parlent des hontes de Saint-Domingue, dont le gouvernement doit conjurer le retour. Nous joignons notre voix à la leur. Oui ! « dans l’intérêt de l’honneur national, » il faut que la France prévienne des événements aussi épouvantables, car les moyens qui furent employés dans cette malheureuse colonie, pour rétablir les anciens propriétaires, sont si atroces, que ceux qui faisaient cette guerre d’extermination en déploraient eux-mêmes les excès. Qu’on en juge par les lignes suivantes extraites du Mémoire autographe du générât Ramel sur l’expédition de Saint-Domingue[1] :


« J’avais renvoyé au capitaine général sa garde, ses aides-de-camp : il n’y avait plus aucun risque à courir à la Tortue : quel fut mon étonnement de recevoir, le 15 germinal, une lettre du général Rochambeau, ainsi conçue :

« Je vous envoie, mon cher commandant, un détachement de cent cinquante hommes de la garde nationale du Cap, commandé par M. Bori. Il est suivi de vingt-huit chiens bouledogues. Ces renforts vous mettront à même de terminer entièrement vos opérations. Je ne dois pas vous laisser ignorer qu’il ne vous sera passé en compte aucune ration ni dépense pour la nourriture de ces chiens : vous devez leur donner à manger des nègres.

« Je vous salue affectueusement.

« Signé : Donatien Rochambeau. »


Si, en terminant par le souvenir de Saint-Domingue, le Journal des Débats a voulu faire croire que les nègres et les mulâtres étaient seuls responsables devant l’humanité des faits qui ont ensanglanté cette époque de leur histoire, on voit que son but n’est pas atteint. Au lieu d’évoquer le passé, pour s’en faire des armes contre le présent, que ne prépare-t-on l’avenir ?

Le Journal des Débats, fort embarrassé, on le conçoit sans peine, d’avoir soulevé de pareilles questions et réveillé de tels souvenirs, a gardé le silence.

Les meneurs de la réaction coloniale parlent souvent des désastres de Saint-Domingue ; puisque nous avons été amenés sur ce terrain, nous croyons devoir leur rappeler ce que pense à ce sujet leur principal représentant à l’Assemblée nationale. En voyant « l’apôtre de la paix, le Christ colonial » apprécier de la sorte ces douloureux événements, ils modifieront sans doute leurs opinions,

  1. Ce mémoire nous a été confié par un ami de M. Ramel fils.
    (Note de l’auteur)