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Page:Schlick - Gesammelte Aufsätze (1926 - 1936), 1938.djvu/225

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accointance ou par intuition, nous traitons le contenu comme l’objet d’une activité, comme quelque chose qui est « saisi » par l’« esprit », qui est attiré par lui, qui en fait partie ou, pire encore, qui est « perçu » par lui. On a ici l’impression que l’esprit acquiert une « connaissance » du contenu en se l’appropriant d’une manière ou d’une autre. Cette impression est extrêmement trompeuse. Le contenu est le contenu ; on ne peut rien lui faire, il est simplement là (et même cela ne peut être « exprimé » ), c’est tout. Je peux percevoir une feuille verte ; je dis que je la perçois si (entre autres) le contenu « vert » est là, mais il serait absurde de dire que je perçois ce contenu. Et je ne dois pas dire, bien sûr, que le contenu est « dans l’esprit », car, outre d’autres difficultés sérieuses liées à l’utilisation du terme « esprit », cela n’aurait de sens que si le contenu ne pouvait pas non plus être dans l’esprit (peut-être avant d’être « saisi » par lui), car une proposition n’a de sens que s’il est possible qu’elle soit fausse aussi bien que vraie (bien qu’une seule de ces deux possibilités soit effectivement, bien sûr). Mais s’il n’y a pas de sens à la question « le même contenu peut-il être dans deux esprits ? » — comme nous l’avons vu dans le premier cours — il n’y a certainement aucun sens à la question : un contenu peut-il être aussi bien dans l’esprit qu’en dehors de lui ?

Par « connaissance » on entend toujours un acte ou plutôt le résultat d’un acte (de comparaison, de reconnaissance, de dénomination) mais le contenu est simplement présent, aucun acte d’intuition, de prise de connaissance n’est nécessaire pour l’amener devant l’esprit ou dans l’esprit, toutes ces expressions ne sont que de vaines tentatives pour exprimer sa simple présence ; il ne faut pas dire que le contenu est jamais « connu » ou qu’il pourrait être connu. Si nous tenons à utiliser un verbe qui prenne le « contenu » pour objet et l’« ego » ou l’« esprit » pour sujet, le mot « jouir » se présente. C’est l’équivalent le plus proche de l’allemand « erleben », mais il présente certains inconvénients ; nous devrons dire, par exemple, que l’esprit « jouit de la douleur ». Mais comme nous savons qu’il n’y a pas moyen de parler correctement ici, nous devons nous contenter de bannir le mot « connaissance » de ces phrases.

Le mot « intuition » est un très bon terme pour désigner certains actes mentaux, notamment ceux qui consistent à deviner des propositions vraies avant qu’on puisse prouver qu’elles sont vraies, et ce sont bien des actes d’acquisition de connaissances — mais rien ne justifie qu’on l’emploie comme le fait M. Bergson, qui en parle comme d’un acte par lequel on saisit un contenu.

L’intuition bergsonienne n’a rien à voir avec la connaissance au sens que ce mot a dans la science comme dans la vie quotidienne. Néanmoins