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Page:Schlick - Gesammelte Aufsätze (1926 - 1936), 1938.djvu/226

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la « connaissance intuitive » de Bergson n’est rien d’autre qu’une formulation particulièrement emphatique d’une idée très ancienne qui imprègne presque tous les systèmes traditionnels de philosophie. Il s’agit de l’idée qu’il existe différents degrés de connaissance (ce qui est tout à fait vrai) et que le degré de connaissance dépend de l’intimité du contact entre le connaisseur et la chose connue (ce qui est tout à fait faux). On pensait que toute connaissance explicative, ordinaire ou scientifique, qui décrit la chose connue en termes de quelque chose d’autre, devait pour cette raison même rester superficielle, simplement descriptive, et n’atteindrait jamais le degré le plus élevé, car il semblait que ce que nous voulions vraiment connaître était la chose elle-même, et non pas simplement une description de celle-ci. La connaissance scientifique semble donc n’être qu’une préface ou un substitut à la connaissance la plus élevée, celle qui consiste en une prise de conscience immédiate de l’objet lui-même.

D’après ce qui a déjà été dit, on doit comprendre l’effroyable confusion qui se produit dans ce raisonnement. Il est absurde d’opposer la connaissance de la chose et la connaissance de sa description. Nous avons vu que la véritable connaissance des choses consiste en leur description (en termes d’autres choses) ; par conséquent, le plus haut degré de connaissance d’une chose est la description la plus complète, la plus parfaite de cette chose, et non la chose elle-même (la chose n’est pas la plus parfaite de ses propres descriptions, mais quelque chose d’entièrement différent). Celui qui veut connaître un objet aussi complètement que possible, veut une explication de cet objet, il ne veut pas l’objet lui-même. Car s’il ne l’avait pas, s’il n’en avait pas l’accointance (au sens où l’intuition est censée fournir l’accointance) — comment pourrait-il désirer une explication ? (Si vous avez le désir de connaître quelque chose, vous devez certainement en être conscient avant que le désir puisse naître). Ainsi, l’intuition bergsonienne, loin d’être la fin et le but suprême de toute connaissance, n’en est même pas le début, elle doit précéder toute tentative de connaître quoi que ce soit. Le contenu doit être présent avant que sa structure puisse être étudiée.

(J’espère que personne n’objectera ici que le désir de « connaître » une chose est souvent stimulé par une description et satisfait seulement par sa présence réelle ; si, par exemple, nous avons beaucoup entendu parler des pyramides égyptiennes, un vif désir peut s’éveiller en nous de faire personnellement connaissance avec elles, et nous n’aurons peut-être pas de repos avant d’avoir voyagé en Égypte et d’avoir réellement posé les yeux