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Page:Schlick - Gesammelte Aufsätze (1926 - 1936), 1938.djvu/393

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corps. » En évitant l’erreur d’introjection, nous évitons en même temps le sophisme idéaliste qui conduit au solipsisme. Il est facile de montrer que l’introjection est une erreur. Lorsque je vois une prairie verte, le « vert » est déclaré être un contenu de ma conscience, mais il n’est certainement pas dans ma tête. À l’intérieur de mon crâne, il n’y a rien d’autre que mon cerveau ; et s’il devait y avoir une tache verte dans mon cerveau, ce ne serait évidemment pas le vert de la prairie, mais le vert du cerveau.

Mais pour notre propos, il n’est pas nécessaire de suivre ce cheminement de pensée ; il suffit de réaffirmer clairement les faits.

C’est un fait d’expérience que toutes les données dépendent d’une manière ou d’une autre de l’état d’un certain corps qui a la particularité de ne jamais voir ses yeux et son dos (sauf au moyen d’un miroir). On l’appelle généralement « mon » corps ; mais ici, pour éviter les erreurs, je prendrai la liberté de l’appeler le corps « M ». Un cas particulier de la dépendance mentionnée ci-dessus est exprimé par la phrase : « Je ne perçois rien si les organes des sens du corps M ne sont pas affectés ». Ou encore, dans un cas encore plus particulier, je peux dire ce qui suit :

« Je ne ressens de la douleur que lorsque le corps M est blessé. » (P)

Je qualifierai cette affirmation de « proposition P ».

Considérons maintenant une autre proposition (Q) :

« Je ne peux ressentir que ma douleur ». (Q)

La phrase Q peut être interprétée de différentes manières. Tout d’abord, elle peut être considérée comme équivalente à P, de sorte que P et Q ne seraient que deux manières différentes d’exprimer un seul et même fait empirique. Le mot « peut » présent dans Q dénoterait ce que nous avons appelé « possibilité empirique », et les mots « je » et « ma » feraient référence au corps M. Il est de la plus haute importance de réaliser que dans cette première interprétation, Q est la description d’un fait d’expérience, c’est-à-dire d’un fait que nous pourrions très bien imaginer comme étant différent.

Nous pourrions facilement imaginer (je suis ici de près les idées exprimées par M. Wittgenstein) que j’éprouve une douleur chaque fois que le corps de mon ami est blessé, que je suis gai quand son visage a une expression joyeuse, que je me sens fatigué après qu’il a fait une longue promenade, ou même que je ne vois rien quand ses yeux sont fermés, et ainsi de suite. La proposition Q (si elle est interprétée comme équivalente à la proposition P) nie que ces choses se produisent jamais ; mais si elles