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Page:Schlick - Gesammelte Aufsätze (1926 - 1936), 1938.djvu/394

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se produisaient, Q serait falsifiée. Nous indiquons donc le sens de Q (ou P) en décrivant des faits qui rendent Q vrai, et d’autres faits qui le rendraient faux. Si des faits de ce dernier type se produisaient, notre monde serait assez différent de celui dans lequel nous vivons actuellement ; les propriétés des « données » dépendraient d’autres corps humains (ou peut-être d’un seul d’entre eux) ainsi que du corps M.

Ce monde fictif est peut-être empiriquement impossible, car incompatible avec les lois réelles de la nature — ce dont nous ne pouvons absolument pas être sûrs — mais il est logiquement possible, car nous avons pu en donner une description. Supposons maintenant que ce monde fictif soit réel. Comment notre langue s’y adapterait-elle ? Cela pourrait se faire de deux manières différentes qui sont intéressantes pour notre problème.

La proposition P serait fausse. En ce qui concerne Q, il y aurait deux possibilités. La première consiste à maintenir que son sens reste le même que celui de P. Dans ce cas, Q serait fausse et pourrait être remplacée par la proposition vraie,

« Je peux ressentir la douleur de quelqu’un d’autre aussi bien que la mienne. » (R)

R énoncerait le fait empirique (que nous supposons vrai pour le moment) que la donnée « douleur » se produit non seulement lorsque M est blessé, mais aussi lorsqu’une blessure est infligée à un autre corps, disons le corps « O ».

Si nous exprimons l’état de fait supposé par la proposition R, il n’y aura évidemment aucune tentation ni aucun prétexte pour faire une déclaration « solipsiste ». Mon corps — qui dans ce cas ne pourrait être que le « corps M » — serait toujours unique en ce qu’il apparaîtrait toujours dans une perspective particulière (avec le dos invisible, etc.), mais il ne serait plus unique en ce qu’il serait le seul corps dont l’état dépendrait des propriétés de toutes les autres données. Et c’est seulement cette dernière caractéristique qui a donné naissance à la vision égocentrique. Le doute philosophique concernant la « réalité du monde extérieur » est né de la considération que je n’avais aucune connaissance de ce monde, si ce n’est par la perception, c’est-à-dire au moyen des organes sensibles de mon corps. Si cela n’est plus vrai, si les données dépendent aussi d’autres corps O (qui diffèrent de M à certains égards empiriques, mais pas en principe), alors il n’y aura plus de raison d’appeler les données « miennes » ; les autres individus O auront le même droit d’être considérés comme propriétaires ou possesseurs des données. Le sceptique craignait que les autres corps O ne soient que des images