Page:Schlick - Gesammelte Aufsätze (1926 - 1936), 1938.djvu/425

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De tels reproches semblent trouver confirmation dans bon nombre d’assertions de plus d’un membre du cercle de Vienne où il est parlé d’un ton méprisant de la philosophie traditionnelle. Certains d’entre eux ont même une antipathie marquée contre le mot „philosophie“, qu’ils veulent proscrire au bénéfice d’autres termes tels que „science unitaire“, par où ils entendent se considérer eux-mêmes, non comme des philosophes, mais comme des chercheurs scientifiques. Si étrange que soit leur attitude et en dépit de tout ce que ces hommes peuvent croire eux-mêmes, on ne doit pas en conclure qu’ils ont travaillé à la destruction de la philosophie, ou que leur propre pensée n’est pas, en général, de la même espèce que celle désignée depuis toujours du nom de „philosophique“. Ainsi on ne cessera pas de considérer Pascal comme une véritable tête philosophique, encore qu’il ait écrit : „se moquer de la philosophie, c’est vraiment philosopher“.

L’accusation de trahir la philosophie est soulevée contre nous par les adhérents de ces courants philosophiques à la mode qui identifient philosophie avec métaphysique ou qui voient dans celle-ci le but final de toute spéculation philosophique. Ces courants ont exalté les esprits dans ces vingt dernières années et les ont conduit à des attaques passionnées et dédaigneuses contre nous qui, il est vrai, prétendons qu’il n’y a pas de métaphysique.

Là-dessus, je me permettrai simplement de faire remarquer que la négation de la métaphysique est une vieille attitude bien connue des historiens de la philosophie, dont nous n’avons nullement à revendiquer la priorité. Il a fallu une activité infatigable pendant des siècles et des siècles pour acquérir la conviction de la vanité de la métaphysique. Pour nous qui, portant nos regards en arrière, observons l’évolution millénaire de la pensée occidentale, il est facile de ne pas être métaphysiciens, et nous n’avons aucun droit d’en être fiers. Celui-ci n’a pas encore vaincu la métaphysique en lui-même ni n’est au-dessus d’elle, qui continue de la combattre sans cesse, qui s’estime anti-métaphysicien plutôt que non-métaphysicien, qui emploie l’adjectif „métaphysique“ non seulement pour désigner une erreur particulière, mais comme expression dédaigneuse, qui cherche dans chaque opinion différente de la sienne une métaphysique cachée, non pas pour la démontrer comme fausse, mais pour pouvoir la stigmatiser comme inférieure : ses gestes arrogants et ses paroles tintantes ne traduisent que la peur de la métaphysique.