Page:Schopenhauer - Écrivains et Style, 1905, trad. Dietrich.djvu/176

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Il est remarquable que cette règle trouve sa confirmation directe en peinture. Comme le savent les connaisseurs, les plus grands chefs-d’œuvre n’attirent pas immédiatement les yeux ni ne produisent la première fois une forte impression. Cela n’a lieu qu’à un second examen, puis s’affirme toujours plus fortement.

Au reste, la possibilité d’une appréciation rapide et juste de productions données dépend avant tout du genre de celles-ci : il s’agit de savoir s’il est élevé ou bas, c’est-à-dire difficile ou facile à comprendre et à juger, et s’il trouve un public étendu ou restreint. Cette dernière condition est subordonnée en grande partie à la première, mais aussi à ce fait : les œuvres en question sont-elles susceptibles de se multiplier, comme les livres et les compositions musicales ? Par la combinaison de ces deux conditions, les productions qui ne visent à aucune utilité pratique, comme celles dont il s’agit ici, formeront, au point de vue de la possibilité d’une rapide appréciation de leur valeur, à peu près la série suivante, dont l’ordre de prééminence débute par ceux qui ont la plus grande chance d’être mis vite à leur vraie place : acrobates, écuyers, danseurs de ballets, escamoteurs, comédiens, chanteurs, virtuoses, compositeurs, poètes (tous deux à cause de la multiplication de leurs œuvres), architectes, peintres, sculpteurs, philosophes. Ceux-ci occupent sans conteste le dernier rang. Leurs œuvres, en effet, promettent non de l’amusement, mais seulement de l’instruction, présupposent en outre des connaissances, et

    Mahlmann (1771-1826), journaliste, historien et poète, a laissé quelques chansons empreintes d’une franche gaieté, qui sont restées populaires. (Le trad.)