Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/100

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grâce de Dieu. C’est seulement ainsi que l’humanité se laisse brider et conduire.

Nous voyons d’autre part les États-Unis de l’Amérique du Nord tenter de se tirer d’affaire sans cette base arbitraire, c’est-à-dire en laissant prévaloir le droit absolument sans alliage, pur, abstrait. Mais le résultat n’est pas attrayant. Car, en dépit de toute la prospérité matérielle du pays, qu’y trouvons-nous comme sentiment prédominant ? Le vil utilitarisme avec sa compagne inévitable, l’ignorance, qui a frayé la voie à la stupide bigoterie anglicane, aux sots préjugés, à la grossièreté brutale associée à la niaise vénération pour les femmes. Et même des choses pires y sont à l’ordre du jour : l’esclavage révoltant des nègres, uni à la plus excessive cruauté contre les esclaves, la plus injuste oppression des noirs libres, la loi de Lynch, les meurtres fréquents et souvent impunis, les duels d’une sauvagerie inouïe, le mépris de temps en temps affiché du droit et des lois, la répudiation des dettes publiques, l’escroquerie politique abominable d’une province voisine, suivie de raids rapaces sur son riche territoire, raids que le chef de l’État cherche ensuite à excuser par des mensonges que chacun, dans le pays, sait être tels, et dont on se moque. Ajoutez à cela l’ochlocratie toujours montante, et, finalement, l’influence désastreuse que la dénégation de la justice dans les hautes sphères doit exercer sur la moralité privée. Ce spécimen d’une constitution purement fondée sur le droit, du côté opposé de la planète, parle peu en faveur des républiques, et moins encore les imitations de ce spécimen au Mexique, au Guatémala, en Colombie et au Pérou.