Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/113

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fériées ? Quelle action bienfaisante n’exerceraient pas les seize heures de l’ennuyeux et, par là même, dangereux dimanche, si douze d’entre elles étaient réparties sur tous les jours de la semaine ! Deux exercices religieux suffiraient amplement au dimanche ; on ne lui en consacre presque jamais davantage, et on en consacre moins encore à la méditation pieuse. Les anciens n’avaient pas non plus de jour de repos hebdomadaire. Mais, à dire vrai, il serait très difficile d’assurer réellement aux gens, contre les empiètements du dehors, la possession des deux heures quotidiennes de loisir ainsi achetées.

Le juif-errant Ahasvérus n’est autre chose que la personnification du peuple juif tout entier. S’étant comporté criminellement à l’égard du Sauveur et Rédempteur du monde, il ne doit jamais être affranchi de la vie terrestre et de son fardeau, et se trouve condamné, de plus, à errer sans patrie à l’étranger. C’est précisément là le crime et la destinée du petit peuple juif, qui, chose vraiment merveilleuse, chassé depuis bientôt deux mille ans de son ancien séjour, continue à exister et à errer sans patrie ; tandis qu’un si grand nombre de peuples glorieux, auprès desquels on ne peut même pas mentionner l’insignifiante petite nation en question, Assyriens, Mèdes, Perses, Phéniciens, Égyptiens, Etruriens, etc., sont entrés dans l’éternel repos et ont complètement disparu. C’est ainsi qu’aujourd’hui encore on trouve sur toute la surface de la terre cette gens extoris, ce Jean sans Terre des peuples. Nulle part chez lui, étranger nulle part, il maintient avec un entêtement sans exemple sa nationalité.