Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/151

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gence, le barbare sans cervelle, est un monstrum per defectum.

La volonté de vivre, qui forme le noyau le plus intime de tout être vivant, se manifeste de la façon la moins dissimulée, et se laisse en conséquence le plus nettement observer, chez les animaux supérieurs, c’est-à-dire les plus intelligents. Car, au-dessous de ceux-ci, elle n’apparaît pas encore nettement, elle a un degré moindre d’objectivation ; mais, au-dessus, c’est-à-dire chez l’homme, à la raison est associée la réflexion, et à celle-ci la faculté de dissimuler, qui jette bien vite un voile sur elle. Ici ce n’est donc plus que dans les explosions des affects et des passions, qu’elle se manifeste sans masque. C’est pourquoi la passion, chaque fois qu’elle élève la voix, trouve créance, quelle que soit sa nature, et avec raison. Pour la même cause, les passions sont le thème principal des poètes et le cheval de parade des comédiens. La manifestation de la volonté de vivre explique aussi le plaisir que nous causent les chiens, les chats, les singes, etc. ; c’est la parfaite naïveté de tous leurs actes qui nous charme tant.

Quelle jouissance particulière n’éprouvons-nous pas à voir n’importe quel animal vaquer librement à sa besogne, s’enquêter de sa nourriture, soigner ses petits, s’associer à des compagnons de son espèce, etc., en restant absolument ce qu’il est et peut être ! Ne fût-ce qu’un petit oiseau, je puis le suivre de l’œil longtemps avec plaisir. Il en est de même d’un rat d’eau, d’une grenouille, et, mieux encore, d’un hérisson, d’une belette, d’un chevreuil ou d’un cerf.

Si la vue des animaux nous charme tant, c’est sur-