Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/153

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tions, les caprices et les chagrins sans objet, c’est-à-dire l’état qu’on nomme hypocondrie. De même, par exemple, la colère se manifeste par des cris, une attitude énergique, des gestes violents ; mais ces manifestations physiques accroissent de leur côté cette passion, ou la déchaînent à la moindre occasion. Je n’ai pas besoin de dire combien tout ceci confirme ma doctrine de l’unité et de l’identité de la volonté avec le corps ; doctrine d’après laquelle le corps n’est autre chose que la volonté elle-même se représentant dans la perception du cerveau, envisagée sous le rapport de l’espace.

Maints actes attribués à la force de l’habitude reposent plutôt sur la constance et l’immuabilité du caractère originel et inné ; en vertu de ces conditions, dans les circonstances analogues nous faisons toujours la même chose, qui se produit par conséquent avec la même nécessité la première fois que la centième. La véritable force de l’habitude, au contraire, repose sur l’indolence, qui veut épargner à l’intellect et à la volonté le travail, la difficulté, et aussi le danger d’un choix immédiat, et qui nous fait en conséquence faire aujourd’hui ce que nous avons déjà fait hier et cent fois, en sachant que l’on atteint ainsi son but.

Mais la vérité de ce fait a des racines plus profondes ; car on peut l’expliquer d’une façon plus précise qu’il n’apparaît au premier aspect. La force d’inertie appliquée aux corps qui ne peuvent être mus que par des moyens mécaniques, devient force d’habitude quand elle est appliquée aux corps qui sont mus par des motifs. Les actions que nous accomplissons par pure habitude s’effectuent en réalité sans motif individuel, isolé,