Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/154

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spécialement propre à ce cas ; aussi ne pensons-nous pas en réalité à elles. Ce sont seulement les premières actions, passées en habitude, qui ont eu un motif ; le contre-effet secondaire de ce motif est l’habitude actuelle, qui suffit à permettre à l’action de continuer. C’est ainsi qu’un corps, mis en mouvement par une poussée, n’a pas besoin d’une nouvelle poussée pour poursuivre son mouvement ; si rien n’arrête celui-ci, il se poursuivra à jamais. La même règle s’applique aux animaux : leur dressage est une habitude imposée. Le cheval traîne tranquillement sa voiture, sans y être contraint ; ce mouvement qu’il exécute est l’effet des coups de fouet qui l’y forcèrent au début ; cet effet s’est perpétué sous forme d’habitude, conformément à la loi de l’inertie. Tout ceci est réellement plus qu’une simple comparaison. C’est déjà l’identité de la volonté à des degrés très différents de son objectivation, en vertu desquels la même loi du mouvement prend des formes si différentes.

Viva muchos años ! C’est le salut habituel en Espagne, et sur toute la terre on a coutume de souhaiter aux gens une longue vie. Ceci s’explique non par la connaissance qu’on a de la vie, mais au contraire par la connaissance qu’on a de l’homme d’après sa nature : la volonté de vivre.

Le désir que nourrit chaque homme qu’on se souvienne de lui après sa mort, et qui s’élève chez les grands ambitieux jusqu’à l’aspiration à la gloire posthume, me semble né de l’attachement à la vie. Quand on voit qu’il faut dire adieu à l’existence réelle, on s’accroche à la seule existence encore pos-