Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/155

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sible, quoique uniquement idéale, c’est-à-dire à une ombre.

Nous désirons plus ou moins en terminer avec tout ce que nous faisons ; nous sommes impatients d’en finir, et heureux d’en avoir fini. C’est seulement la fin générale, la fin de toutes les fins, que nous désirons, d’ordinaire, aussi éloignée que possible.

Chaque séparation donne un avant-goût de la mort, et chaque nouvelle rencontre un avant-goût de la résurrection. Ceci explique que même des gens indifférents les uns aux autres se réjouissent tellement, quand, au bout de vingt ou trente ans, ils se retrouvent ensemble.

La profonde douleur que nous fait éprouver la mort d’un ami, provient du sentiment qu’en chaque individu il y a quelque chose d’indéfinissable, de propre à lui seul, et, par conséquent, d’absolument irréparable. Omne individuum ineffabile. Ceci s’applique même à l’animal. C’est ce qu’ont pu constater ceux qui ont blessé mortellement, par hasard, un animal aimé, et reçu son regard d’adieu, qui vous cause une douleur infinie.

Il peut arriver que nous regrettions, même longtemps après, la mort de nos ennemis et de nos adversaires presque aussi vivement que celle de nos amis : c’est quand nous voudrions les avoir pour témoins de nos brillants succès.

Que l’annonce soudaine d’un événement très heureux