Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/158

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autres, cela n’est pas toujours la faute de notre jugement ; la raison doit en être cherchée d’ordinaire dans cette remarque de Bacon, que intellectus luminis sicci non est, sed recipit infusionem a voluntate et affectibus ; à notre insu, en effet, nous sommes, dès le commencement, influencés pour eux ou contre eux par des bagatelles. Cela provient souvent aussi de ce que nous ne nous en tenons pas aux qualités que nous découvrons réellement chez eux, mais concluons de celles-ci à d’autres que nous regardons comme inséparables de celles-là, ou incompatibles avec elles. Ainsi, par exemple, nous concluons de la générosité à la justice ; de la piété à l’honnêteté ; du mensonge à la tromperie ; de la tromperie au vol, etc. Cela ouvre la porte à beaucoup d’erreurs, par suite, d’une part, de l’étrangeté des caractères humains, de l’autre, de l’étroitesse de notre point de vue. Sans doute, le caractère est toujours conséquent et cohérent, mais les racines de toutes ses qualités sont trop profondes pour qu’on puisse décider, d’après des faits isolés, lesquelles, dans un cas donné, peuvent ou non exister ensemble.

Le mot personne, employé dans toutes les langues européennes pour désigner l’individu humain, est inconsciemment caractéristique ; car persona signifie à proprement parler un masque de comédien. Or, nul être humain ne se montre tel qu’il est, mais chacun porte un masque et joue un rôle.

Toute la vie sociale est d’ailleurs une comédie perpétuelle. Cela la rend insipide pour les gens intelligents ; tandis, que les imbéciles y trouvent beaucoup d’agrément