Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/92

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sujets à l’objection que le grand troupeau humain, toujours et partout, a nécessairement besoin de guides, conducteurs et conseillers, sous formes diverses, suivant les circonstances ; ce sont les juges, gouverneurs, généraux, fonctionnaires, prêtres, médecins, lettrés, philosophes, etc. Ils ont pour tâche d’accompagner ce troupeau, si incapable et si pervers dans sa majorité, à travers le labyrinthe de la vie, dont chacun, suivant sa position et sa capacité, a dû se faire une idée plus ou moins large. Que ces guides soient affranchis du travail corporel aussi bien que des besoins vulgaires et des tracas de l’existence ; que même, en proportion de leurs services bien supérieurs, ils possèdent plus et jouissent plus que l’homme vulgaire, — cela est naturel et rationnel. Même les grands négociants doivent être rangés dans cette classe privilégiée, quand ils prévoient à longue échéance les besoins de la population, et y pourvoient.

La question de la souveraineté du peuple est au fond la même que celle de savoir si un homme peut avoir le droit de gouverner un peuple contre sa volonté. Comment pourrait-on soutenir raisonnablement cette idée ? Je ne le vois point. Sans doute, le peuple est souverain ; mais c’est un souverain toujours mineur, qui doit être soumis à une tutelle éternelle et ne peut exercer lui-même ses droits, sans provoquer des dangers énormes. D’autant plus que, comme tous les mineurs, il devient facilement le jouet de coquins rusés, que pour cette raison on nomme démagogues.

Voltaire a dit :

La premier qui fut roi fut un soldat heureux.