Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/94

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qu’en vertu de sa prérogative innée, qui lui donne, et à lui seul, une autorité que n’égale aucune autre, qui ne peut être ni contestée ni combattue, à laquelle chacun obéit comme par instinct. Aussi dit-on avec raison qu’il règne « par la grâce de Dieu ». Il est toujours la personne la plus utile de l’État, et ses services ne sont jamais trop chèrement payés par sa liste civile, si élevée qu’elle soit.

Mais Machiavel lui-même est parti si décidément de cette ancienne notion moyenageuse du prince, qu’il la traite comme une chose évidente par elle-même ; il la présuppose tacitement et en fait la base de ses conseils. Son livre est tout bonnement l’exposé de la pratique encore régnante, ramenée à la théorie et présentée dans celle-ci avec une logique systématique ; et cette pratique, sous sa nouvelle forme théorique et dans son achèvement, revêt un piquant intérêt. On peut dire la même chose, remarquons-le en passant, de l’immortel petit livre de La Rochefoucauld, qui a pour thème non la vie publique, mais la vie privée, et qui offre non des conseils, mais des observations. Le titre de ce merveilleux petit livre est en tout cas blâmable : le plus souvent l’auteur ne donne ni des maximes, ni des réflexions, mais des aperçus. C’est donc ce dernier titre qu’il devrait porter. Il y a d’ailleurs chez Machiavel même beaucoup d’idées applicables aussi à la vie privée.

Le droit en lui-même est impuissant ; dans la nature règne la force. Mettre celle-ci au service de celui-là,

    chez les Perses une loi que, quand un roi mourait, il y avait cinq jours d’anarchie, afin que le peuple pût apprécier le bienfait d’un roi et de la loi).