Page:Schopenhauer - Aphorismes sur la sagesse dans la vie, 1880, trad. Cantacuzène.djvu/130

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brutalité ou une grossièreté ne sauraient être justifiés à l’instant par l’empressement qu’on mettrait à en donner satisfaction, c’est-à-dire à se battre, alors tout le monde arriverait bientôt à comprendre que, lorsqu’il s’agit d’invectives et d’injures, c’est le vaincu qui sort vainqueur d’un tel combat, et que, comme dit Vincenzo Monti, il en est des injures comme des processions d’église qui reviennent toujours à leur point de départ. Il ne suffirait plus alors, comme actuellement, de débiter une grossièreté pour mettre le droit de son côté ; le jugement et la raison auraient alors une bien autre autorité, pendant qu’aujourd’hui ils doivent, avant de parler, voir s’ils ne heurtent pas en quoi que ce soit l’opinion des esprits bornés et des imbéciles qu’irrite et alarme déjà leur seule apparition ; sans quoi l’intelligence peut se trouver dans le cas de jouer, sur un coup de dés, la tête où elle réside contre le cerveau plat où loge la stupidité. Alors la supériorité intellectuelle occuperait réellement dans la société la primauté qui lui est due et que l’on donne aujourd’hui, bien que d’une manière déguisée, à la supériorité physique et au courage à la hussarde ; il y aurait aussi, pour les hommes éminents, un motif de moins pour fuir la société, comme ils le font actuellement. Un tel revirement donnerait naissance au véritable bon ton et fonderait la véritable bonne société, dans la forme où, sans doute, elle a existé à Athènes, à Corinthe et à Rome. À qui voudrait en connaître un échantillon, je recommande de lire le Banquet de Xénophon.

Le dernier argument à la défense du code chevaleresque