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SÉRIES DES RAISONS ET CONSÉQUENCES

quand c’est une vérité empirique sur laquelle se fonde la proposition antérieure, si l’on continue à poser le « pourquoi », ce qu’on demande alors n’est plus un principe de connaissance, c’est une cause, c’est-à-dire que la série des principes de la connaissance dégénère en série de raisons de « devenir » (fiendi). Quand on procède à l’opposé, c’est-à-dire quand on transforme la série des raisons de devenir, afin de lui donner un terme, en série de principes, de connaissance, cela n’est jamais amené par la nature des choses, mais par une intention spéciale, donc par une manœuvre, et c’est là le sophisme connu sous le nom de démonstration ontologique. Voici comment on s’y prend : quand la démonstration cosmologique a conduit jusqu’à une cause à laquelle on a bien envie de s’arrêter, pour en faire la cause première, comme, d’autre part, la loi de la causalité ne se laisse pas ainsi mettre, en inactivité, et qu’elle veut continuer à s’enquérir du « pourquoi », on la met silencieusement de côté, et on lui substitue le principe de connaissance auquel elle ressemble de loin ; on avance donc, au lieu de la cause cherchée, un principe de connaissance que l’on va puiser dans le concept même qu’il s’agit de prouver, et dont la réalité est, par conséquent, problématique encore ; et ce principe, qui à tout prendre est une raison, doit alors figurer comme cause. Naturellement on a d’avance, arrangé le concept à l’avenant, en y faisant entrer la réalité tout au plus voilée par décence d’une ou deux enveloppes, et l’on s’est préparé de la sorte la joyeuse surprise, de l’y découvrir dorénavant ; comme nous avons déjà expliqué la chose plus au long dans le § 7.