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PARERGA ET PARALIPOLENA

passages semblables. C’est bien là l’harmonie préétablie de Leibnitz, avec cette seule différence que chez Spinoza le monde représenté et le monde existant objectivement ne restent pas entièrement séparés et ne se correspondent qu’en vertu d’une harmonie du dehors et établie à l’avance comme chez Leibnitz. mais qu’ils ne sont réellement qu’une seule et même chose. Nous avons donc ici en premier lieu un réalisme complet, en tant que l’existence des choses correspond exactement à leur représentation en nous, puisque les deux ne font qu’un ; ensuite nous connaissons les choses en soi ; elles sont en soi extensa, tout comme, en tant qu’elles sont cogitata, c’est-à-dire dans leur représentation en nous, elles apparaissent extensa. (Remarquons en passant que c’est là l’origine de l’identité schellingienne entre le réel et l’idéal). Tout cela ne se base que sur de simples assertions. L’exposition en est obscure pour plusieurs raisons, mais déjà par l’équivoque que l’ait naître le mot Dieu employé dans un sens tout à fait impropre ; aussi Spinoza se perd-il dans les ténèbres et déclare finalement : « nec improesentiarum hoec clarius possum explicare. » Or l’obscurité dans l’énonciation provient toujours du vague dans la compréhension et dans la méditation des philosophèmes. Vauvenargues a très justement dit :« La clarté est la bonne foi des philosophes. » La clarté parfaite est en philosophie ce qu’est en musique la phrase pure ; elle est la « conditio sine qua non » ; rien n’a de valeur si on ne l’observe pas, et l’on ne peut que dire dans ce cas : « quodcumque ostendis mihi sic incre-