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LA DOCTRINE DE L’IDÉAL ET DU RÉEL

dulus odi. » Si dans les circonstances les plus ordinaires de la vie pratique l’on est tenu d’éviter soigneusement, à force de clarté, tous malentendus possibles, comment serait-il permis de s’exprimer en termes douteux, presque énigmatiques, dans les matières les plus difficiles, les plus abstruses, à peine abordables, de la pensée ; dans les problèmes de la philosophie ? L’obscurité que nous reprochons à la doctrine de Spinoza provient de ce qu’il n’est pas parti, libre de préjugés, de la nature des choses telle qu’elle existe, mais du cartésianisme et à sa suite, d’une foule de notions traditionnelles, telles que Deus, substantia, perfectio, etc., qu’il s’efforce après, par des détours, de mettre en harmonie avec sa vérité. Ce qu’il y a de meilleur dans sa théorie, il ne l’exprime le plus souvent que d’une manière indirecte, surtout dans la 2e partie de sa Morale ; il y parle toujours par ambages et presque allégoriquement. D’autre part aussi, Spinoza professe un idéalisme transcendantal qu’on ne saurait méconnaître : il a saisi, bien que d’une manière générale seulement, ces vérités que Locke, mais surtout Kant, devaient clairement exposer, à savoir la distinction effective entre le phénomène et la chose en soi, et la reconnaissance de ce fait que le phénomène seul nous est accessible. Voyez Morale, P. II, prop. 16, avec le 2e corollaire ; prop. 17, scol. ; prop. 18, scol. ; pr. 19 ; la proposition 23 étend le principe à la connaissance de soi-même ; la proposition 25 l’exprime nettement, et enfin, comme résumé, le corollaire à la pr. 29, qui prononce catégoriquement que nous ne reconnaissons ni