Page:Schopenhauer - De la quadruple racine, 1882, trad. Cantacuzène.djvu/280

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
263
LA DOCTRINE DE L’IDÉAL ET DU RÉEL

ou l’espace n’existe uniquement et absolument que dans la représentation ; l’étendue est adhérente à la représentation, dont l’espace n’est que l’a forme : il s’ensuit qu’en dehors d’elle il ne peut y avoir et il n’y a certainement rien d’étendu. La ligne de démarcation de Spinoza est tombée, par conséquent, tout entière du côté de l’idéal, et il s’est arrêté au monde de la représentation : c’est celui-ci, déterminé par sa forme d’étendue, qu’il prend pour le réel, partant, pour indépendant de l’acte d’être représenté, en d’autres termes, pour existant en soi. De cette façon il a certainement raison de soutenir que ce qui est étendu et ce qui est représenté, c’est-à-dire notre représentation des corps et ces corps eux-mêmes, sont une seule et même chose (P. II, prop. 7, scol.). Car il est positif que les objets ne sont représentés qu’en tant qu’étendus, et ne sont étendus qu’en tant que représentables ; le monde comme représentation et le monde dans l’espace sont, comme il le dit, una eademque res ; nous pouvons lui accorder cela entièrement. Si donc l’étendue était une propriété de l’objet en soi, notre perception serait la connaissance de l’objet en soi ; c’est là ce qu’il admet, et c’est en cela que consiste son réalisme. Mais attendu qu’il n’en donne aucune preuve, attendu qu’il ne démontre pas qu’à notre perception d’un monde dans l’espace corresponde un monde dans l’espace, indépendant de cette perception, le problème fondamental reste sans solution. Ce résultat est dû à ce que la ligne de démarcation entre le réel et l’idéal, l’objectif et le subjectif, la chose en soi et le phénomène, n’est pas bien