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DE LA PREMIÈRE CLASSE D’OBJETS POUR LE SUJET

d’inertie et celle de la permanence de la substance. La première établit que tout état d’un corps, aussi bien l’état de repos que celui de mouvement, quel qu’il soit, doit persévérer et continuer de toute éternité, sans modification, sans diminution comme sans augmentation, s’il ne survient une cause qui le modifie ou l’annule. — La seconde loi, qui prononce la « sempiternité » de la matière, dérive de ce que la loi de causalité ne se rapporte qu’aux états des corps, tels que repos, mouvement, forme et qualité, vu qu’elle préside à leur apparition et à leur disparition, et qu’elle ne se rapporte nullement à l’existence de ce qui supporte ces états, et que l’on a nommé substance justement pour exprimer son exemption de toute naissance et de toute destruction. La substance est permanente : c’-est-à-dire, elle ne peut ni naître ni périr ; conséquemment, la quantité qui en existe au monde ne peut ni augmenter ni décroître. Ce qui prouve que nous savons cela à priori, c’est la conscience de la certitude inébranlable avec laquelle quiconque, voyant disparaître un corps donné, que ce soit par des tours de prestidigitation, ou par division, ou par l’action du feu, où par volatilisation, ou par n’importe quel autre procédé, croit fermement à l’avance que, quoi qu’il ait pu advenir de la forme du corps, sa substance, c’est-à-dire sa matière, doit exister intacte et pouvoir être retrouvée quelque part ; de même que, lorsqu’un corps se rencontre là où il n’existait pas auparavant, nous avons la ferme conviction qu’il y a été apporté ou s’est formé par la concrétion de particules invisibles, par exemple par précipitation, mais que jamais il n’a pu prendre naissance