Page:Schopenhauer - De la quadruple racine, 1882, trad. Cantacuzène.djvu/90

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
73
RAISON SUFFISANTE DU DEVENIR

peu qu’il lui reste encore une étincelle de jugement, qui ajoute plus longtemps foi à cette fiction. —Eh bien, ils l’ont fait, je suppose. — Oh ! ils se gardent bien de se laisser entraîner sur les terrains glissants. Se taire, ne souffler mot, voilà tout leur talent, voilà l’unique moyen qu’ils ont à opposer à tout ce qui est esprit, jugement, à tout ce qui est sérieux et vrai. Dans aucune des innombrables et inutiles productions de ces écrivailleurs, parues depuis 1841, il n’est fait la moindre mention de mon Éthique, bien qu’elle soit sans contredit ce qu’on a fait de plus important en morale depuis soixante ans ; l’effroi qu’ils ont de moi et de ma vérité est tel qu’aucune des feuilles littéraires publiées par les Académies ou les Universités n’a seulement annoncé mon ouvrage. Zitto, zitto ! que le public n’en apprenne rien ! Voilà leur politique constante. On ne saurait nier que c’est certainement l’instinct de conservation qui est le mobile de ces adroites manœuvres. Car une philosophie qui recherche la vérité sans ménagements, au milieu de ces petits systèmes conçus avec mille ménagements par des gens qui en ont reçu la mission comme étant des « bien pensants », ne doit-elle pas jouer le rôle du pot de fer au milieu des pots de terre ? La peur effroyable qu’ils ont de mes écrits n’est que la peur qu’ils ont de la vérité. Pour donner un seul exemple à l’appui, cette doctrine de la nécessité absolue de tous les actes de volonté n’est-elle pas précisément en contradiction criante avec toutes les suppositions admises par cette philosophie de vieille matrone, si fort en vogue, et taillée sur le patron du judaïsme : mais, bien loin que