Page:Schopenhauer - Essai sur le libre arbitre, 1880, trad. Reinach.djvu/131

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
113
LA VOLONTÉ DEVANT LA PERCEPTION EXTÉRIEURE

s’est une fois définitivement fixé, on peut ensuite expliquer par la différence des caractères la différence des actions. » À cela on répond : 1° que dans cette hypothèse le caractère devrait se former très-tard, — tandis qu’il est de fait qu’on le reconnaît déjà chez les enfants, — et que la plupart des hommes mourraient avant d’avoir acquis un caractère ; 2° que toutes ces circonstances extérieures, dont le caractère de chacun serait le résultat, sont tout à fait indépendantes de nous, et se trouvent, quand le hasard, ou, si l’on veut, la Providence les amène, complètement déterminées dans leur nature. Si donc le caractère était le produit de ces circonstances, et que le caractère fût la source de la différence des façons d’agir, on voit que toute responsabilité morale serait absolument supprimée, puisqu’il est manifeste que nos actions seraient en dernière analyse l’œuvre du hasard ou de la Providence. Nous voyons donc, dans l’hypothèse du libre arbitre, l’origine de la différence morale entre les actions humaines et par suite l’origine du vice et de la vertu, en même temps que le fondement de la responsabilité, flotter en l’air sans point d’appui, et ne trouver nulle part la moindre petite place où pousser des racines dans le sol. Il en résulte que cette supposition, quelque attrait qu’elle puisse exercer au premier abord sur une intelligence peu cultivée, est pourtant au fond