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conclusion et considération plus haute

ici ce « je veux, et ne veux jamais que ce que je veux » que nous rencontrions plus haut dans l'examen du témoignage de la conscience, et qui égare le sens commun jusqu’à lui faire soutenir obstinément l’existence d'une liberté absolue du faire ou du ne pas faire, d’un liberum arbitrium indifferentiae. Ce sentiment n'est rien de plus que la conscience du second facteur de l'acte, qui en lui-même serait tout à fait insuffisant pour le produire et qui, par contre, le motif intervenant, est également incapable de faire obstacle à sa production. Mais ce n’est qu'après avoir été amené ainsi à des manifestations actives, qu’il donne à connaître sa véritable nature à l'entendement, lequel, dirigé vers le dehors plutôt que vers le dedans, n’apprend à connaître l’essence de la volonté qui se trouve associée à lui dans une même personne, que par l’observation empirique de ses manifestations. C'est, à proprement parler, cette connaissance de plus en plus immédiate et intime avec nous-mêmes qui constitue la conscience morale[1], laquelle, par cette raison, ne fait entendre sa voix directement

  1. Schopenhauer remarque quelque part avec raison que les hommes appellent conscience morale ce qui n’est souvent qu’une conscientia spuria, où les idées morales ont bien moins de part que la crainte du châtiment. Quand nous avons violé la loi, nous sentons que nous nous sommes mis hors la loi, et ce sentiment, qui est en définitive une crainte, suffit pour nous troubler au milieu de la sécurité apparente la plus complète.