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essai sur le libre arbitre

qu’après l’action. Avant l’action, elle intervient tout au plus indirectement y en nous obligeant, au moment de la délibération, à tenir compte de son entrée enjeu prochaine, que nous nous figurons grâce à nos réflexions et à nos retours sur les cas analogues, au sujet desquels elle s’est déjà prononcée.

Il convient à présent de rappeler au lecteur l’explication proposée par Kant et déjà mentionnée au chapitre précédent, sur le rapport entre le caractère intelligible et le caractère empirique, grâce à laquelle se concilient la liberté et la nécessité, dette théorie appartient à ce que ce grand homme, et je dirai même à ce que toute l’humanité a jamais produit de plus beau et de plus profond. Il me suffit d’y renvoyer, car ce serait m’étendre inutilement que de la reprendre ici. Par elle seule on peut concevoir, dans la mesure des forces humaines, comment la nécessité rigoureuse de nos actes est néanmoins compatible avec cette liberté morale dont le sentiment de notre responsabilité est un irrécusable témoignage ; par elle encore, nous sommes les véritables auteurs de nos actions, et celles-ci nous sont moralement imputables.

La distinction entre le caractère empirique et le caractère intelligible, telle que Kant l’a exposée, relève du même esprit que sa philosophie tout entière, dont le trait dominant est la distinction entre le phénomène et la chose en soi. Et de même