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essai sur le libre arbitre

exemple, si on te donne à choisir entre deux objets qui s’excluent l’un l’autre, peux-tu préférer indifféremment le premier ou le second ? » Alors il répondra : « Peut-être que le choix me paraîtra difficile : cependant il dépendra toujours de moi seul de vouloir choisir l’un ou l’autre, et aucune autre puissance ne pourra m’y obliger : en ce cas j’ai la pleine liberté de choisir celui que je veux, et quelque choix que je fasse je n’agirai jamais que conformément à ma volonté. » J’insiste, et je lui dis : « Mais ta volonté, de quoi dépend-elle ? » Alors mon interlocuteur répond eh écoutant la voix de sa conscience : « Ma volonté ne dépend absolument que de moi seul ! Je peux vouloir ce que je veux : ce que je veux, c’est moi qui le veux. » Et il prononce ces dernières paroles, sans avoir l’intention de faire une tautologie, ni sans s’appuyer, à cet effet, dans le fond même de sa conscience, sur le principe d’identité qui seul la rend possible. Bien plus, si en ce moment on le pousse à bout, il se mettra à parler d’une volonté de sa volonté[1] ce qui revient au même que s’il parlait d’un moi de son moi. Le voilà ramené pour ainsi dire jusqu’au centre, au noyau de sa conscience, où il reconnaît l’identité fondamentale

  1. Schopenhauer n’a-t-il pas parlé plus haut d’une volonté qui veut ? (v. 24.)