Page:Schopenhauer - Essai sur le libre arbitre, 1880, trad. Reinach.djvu/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
45
la volonté devant la conscience

constitue encore que la liberté physique, comme je l’ai montré dans le premier chapitre. Lui demande-t-on encore si dans un cas donné il pourrait vouloir indifféremment telle chose ou son contraire, dans le premier feu de la réplique il s’empressera sans doute de répondre oui : mais aussitôt qu’il commencera à saisir le sens profond de la question, il deviendra pensif, et finalement il tombera dans l’incertitude et le trouble ; puis, pour s’en tirer, il essayera de nouveau de se sauver derrière son thème favori « je peux faire ce que je veux » et de s’y retrancher contre toutes les raisons et tous les raisonnements. Mais la véritable réponse à cette assertion, comme j’espère le mettre hors de doute dans le chapitre suivant, s’énoncerait ainsi : « Tu peux, il est vrai, faire ce que tu veux : mais à chaque moment déterminé de ton existence, tu ne peux vouloir qu’une chose précise et une seule, à l’exclusion de toute autre. »

La discussion contenue dans ce chapitre suffirait déjà à la rigueur pour m’autoriser à répondre négativement à la question de l’Académie Royale ; mais ce serait là m’en tenir seulement à une vue d’ensemble, car cette exposition même du rôle des faits dans la conscience doit recevoir encore quelques compléments dans ce qui va suivre. Or il peut se trouver, dans un cas, que la justesse de