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la pensée de schopenhauer

encore la sagesse de la nature qui nous parle dans le tranquille regard de l’animal ; chez lui le Vouloir et l’intellect ne sont pas encore assez nettement séparés pour qu’ils aient lieu de s’étonner l’un de l’autre quand ils se retrouvent face à face. Ici, l’ensemble du phénomène tient encore ferme à ce tronc de la nature sur lequel il a poussé, participant qu’il est de l’inconsciente omniscience de notre mère commune. — C’est seulement quand le principe qui est l’essence même de la nature (le Vouloir-vivre) s’est successivement exprimé, en s’élevant de degrés en degrés, dans les deux séries des êtres inconscients, puis qu’il a encore manifesté son énergie dans une autre longue série, le vaste monde des animaux, qu’il parvient enfin pour la première fois avec l’apparition de la raison, c’est-à-dire chez l’homme, à la réflexion. Alors il s’étonne de ses propres œuvres et se demande ce qu’il est lui-même. Avec cette réflexion, avec cet étonnement, naît aussi chez l’homme un besoin qu’il est seul à connaître : le besoin d’une métaphysique. L’homme est ainsi un animal métaphysique.

Au reste, l’aptitude proprement philosophique consiste avant tout dans la capacité de s’étonner de l’habituel et du quotidien, ce qui vous amène pré-