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la pensée de schopenhauer

peut suffire à tous. Aussi trouve-t-on toujours chez les peuples civilisés deux sortes de métaphysiques, entre lesquelles il y a cette différence que l’une possède en elle-même, et l’autre en dehors d’elle-même le fondement de sa créance. Comme les systèmes de la première sorte exigent de celui qui prétend contrôler leur vérité, de la réflexion, de la culture, des loisirs et du jugement, ils ne sont par là-même accessibles qu’à un très petit nombre d’hommes, outre qu’ils ne peuvent se développer et se maintenir que dans une civilisation déjà avancée. À la grande masse des êtres humains, qui n’est pas capable de penser, mais seulement de croire, n’étant pas accessible aux raisons, mais seulement à l’autorité, sont réservés, par contre, les systèmes de la seconde sorte, qu’on peut désigner du nom de métaphysique du peuple, par analogie à la poésie populaire, ou à cette sagesse populaire, qui est celle des proverbes. Ce sont ces systèmes qui sont connus par ailleurs sous le nom de religions ; on en constate l’existence chez tous les peuples, à l’exception des plus grossiers. Ils ont, comme je l’ai dit, le fondement de leur créance en dehors d’eux-mêmes, lequel fondement a nom, comme tel, révélation, et s’appuie lui--