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i. de la connaissance

au plus près les intestins des vers intestinaux et la vermine de la vermine. Mais si quelqu’un survient qui entreprend, comme moi, de parler de l’essence de la nature, nos empiriques ne l’écoutent même pas ; ils estiment que cela n’a rien à voir dans la question et continuent comme devant leurs épluchages. Pour ces représentants d’une science ultra-miscrocopique et micrologique, on serait tenté de les appeler les fouille-au-pot de la nature. Quant à ceux qui se figurent que le creuset et la cornue sont par eux-mêmes la source véritable et unique de toute sagesse, ils s’abusent à leur manière aussi parfaitement que leurs antipodes de jadis, les scolastiques. De même que ceux-ci, entièrement empêtrés dans leurs concepts abstraits, ne savaient que se les jeter à la tête, ne connaissant rien et n’examinant rien en dehors de ces concepts, les autres sont complètement empêtrés dans leur empirisme, n’admettant rien que leurs yeux n’aient vu et s’imaginant atteindre ainsi à la raison dernière des choses. Ils ne se doutent pas qu’entre le phénomène et la chose qui s’y manifeste, la « chose en soi », il y a un abîme profond, une différence radicale, qu’on ne peut découvrir qu’à condition d’avoir d’abord reconnu et exactement délimité l’élément subjectif du phénomène, et d’avoir compris que l’homme ne peut tirer